Emmanuel Macron, l'antistar
du Touquet-Paris-Plage

Le leader d'En Marche ! vient régulièrement se ressourcer
dans la cité balnéaire la plus huppée de la Côte d'Opale.

Emmanuel Macron devant la villa Monejean 
©AFP

Emmanuel Macron devant la villa Monejean
©AFP

Installé dans la cité balnéaire la plus chic de la Côte d’Opale depuis plus de vingt ans et son mariage avec Brigitte Macron qui possède une splendide villa dans le centre-ville, le candidat d’En Marche ne s’expose pas lorsqu’il vient y passer le week-end.

Le Week-end au Touquet
©AFP

Le Week-end au Touquet
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Repos en famille loin de l’incessant crépitement parisien : une heure et demi de tennis par jour face à un coach, un petit tartare de saumon à la Brasserie Les Sports, quelques promenades sur la plage en famille, voici le programme d’Emmanuel Macron au Touquet-Paris-Plage. Le golf, le casino ? Il n'y met pas les pieds.

Emmanuel Macron sur le perron de la villa Monejean, 
au Touquet-Paris-Plage.
©AFP

Emmanuel Macron sur le perron de la villa Monejean,
au Touquet-Paris-Plage.
©AFP

"Sur un court de tennis,
il aime cogner !"

©JC Guillaume

Dans le club de tennis qu’il fréquente depuis six ans, Emmanuel Macron passe pour un cogneur. "Raquette en main, il vaut un 15/5, un bon niveau pour quelqu’un qui ne joue que le week-end", commente Benjamin Capelain, directeur depuis six ans du Centre tennistique Pierre-de-Coubertin en plein centre du Touquet-Paris-Plage, le club dominical du candidat d’En Marche.

©JC Guillaume

©JC Guillaume

"C’est un joueur de fond de court assez offensif. Ce qu’il aime, c’est se défouler au maximum. Il est plutôt sur des frappes très liftées, il aime frapper fort que ce soit en coup droit ou en revers. Sur le terrain, il a la gnaque. On voit vraiment qu’il se fait plaisir. Le tennis est le sport qui lui convient le mieux." Un bon perdant ? "Quand il rate un point, il râle sur lui-même. Il n’aime pas perdre même si je n’ai vu aucune raquette cassée. Il aime les terrains assez rustiques, en moquette, toujours en intérieur."

"On verra sûrement Emmanuel sur le court ce dimanche"

Après avoir voté le 23 avril dernier, il était allé taper la balle pendant une heure et demi face à un professeur, comme à chaque fois depuis qu’il est licencié dans un club assez ambitieux pour se porter candidat pour la prochaine manche de la Coupe Davis de tennis face à des villes comme Lille ou Marseille.

"Un club aussi conscient qu’il n’a aucune chance", commente Patrick Doussot, vice-président du Touquet Tourisme, en charge des infrastructures sportives de la ville. A raison, c’est le stade Pierre Mauroy de Lille qui a empoché la mise en milieu de semaine. Cet éminent avocat de profession a bien conscience qu’Emmanuel Macron incarne la plus grande star que cette cité balnéaire huppée des Hauts-de-France ait jamais accueillie.

"N’allez surtout pas comparer
Le Touquet à Knokke-Le-Zoute"

La villa Monejan de Brigitte et Emmanuel Macron au Touquet-Paris-Plage. © JC Guillaume

Patrick Doussot espère secrètement que l'élection du candidat d'En Marche ! rayonnera sur une cité qui a perdu son lustre d'antan. Dans les années 70’, Serge Gainsbourg gagnait son pain sur le piano du Flavio, autre célèbre resto-boîte locale. Entre deux morceaux, il composait textes et chansons sur les nappes en papier rouge de la Brasserie Les Sports. Philippe Noiret, Charles Trenet, Léo Ferré, Jean Yanne, Georges Brassens et bien d’autres encore s’aventuraient régulièrement sur la Côte d’Opale pour y profiter de l’air marin, de son golf et de ses bonnes tables.
Aujourd’hui, on y croise quelques grands patrons de la région parisienne et des Hauts-de-France, quelques people aussi mais genre menu-fretin : le présentateur de France 2 Laurent Delahousse ou l’animateur Sébastien Cauet pour ne citer qu'eux... "C’est moins classe qu’à l’époque", commente une commerçante installée dans la rue Saint-Jean depuis un demi-siècle.
Meilleure preuve de la baisse de régime de la ville mise en lumière par l’ancien maire Léonce Deprez, il n’y a ni commerce de luxe ni hôtel cinq étoiles au Touquet, titrait récemment un journal local. "N’allez surtout pas comparer Le Touquet à Knokke-Le-Zoute", épingle un grand patron de la région proche d’Emmanuel Macron. "Ici, on cultive plutôt la discrétion que le m’as-tu-vu de Knokke. Mais il est certain que la ville souffre un peu en ce moment. Elle manque d’ambition."

L'état de semi-létargie dont souffre le Touquet en ce moment, Emmanuel Macron n’en a cure, pour l'instant... Lorsqu’il vient au Touquet, c’est pour se reposer. Outre le tennis, celui qui sera élu président ce dimanche va régulièrement manger un bout dans la célèbre Brasserie Les Sports. "Cela fait vingt ans qu’il vient chez nous", commente Gilbert Fauquenbergue, le directeur de cette institution touquettoise depuis quarante ans.
"Je le sers depuis vingt ans. Je ne savais pas qui c’était jusqu’à ce que le patron m’explique qu’il était conseiller du président François Hollande. Il prend toujours la table 10, face au bar. Une petite table de deux protégée par un petit panneau de verre. Il réserve généralement une heure avant son arrivée mais ne réclame jamais si elle est prise."

Macron, au tableau politique de la brasserie Les Sports. ©JC Guillaume

Macron, au tableau politique de la brasserie Les Sports. 
©JC Guillaume

Le candidat d’En Marche ! vient généralement manger un bout le vendredi soir, vers 22 h – 23 h alors qu’il débarque de Paris, toujours avec son épouse Brigitte. "C’est un client sympathique, agréable. Il accepte de faire des photos avec tout le monde. Assez simple en réalité." Il vient à pied (sa maison est à 200 mètres). Ses plats préférés ? "Il adore les crevettes grises à décortiquer ainsi que le tartare de saumon. Souvent, il prend un verre de vin blanc en accompagnement : un Chardonnay ou un Chablis. Emmanuel Macron n’est jamais venu avec ses gardes du corps, même lors de sa dernière visite voici un mois."

Ses petits-enfants l'appellent Daddy.  © AFP

Ses petits-enfants l'appellent Daddy.  © AFP

Dernier hobby : les balades en famille. "Souvent, il emmène ses petits enfants promener dans les dunes ou sur la plage", commente une commerçante du bord de mer. "Ils l’appellent tous Daddy. Il les prend sur ses épaules, joue avec eux. Rien de bien extraordinaire. Un grand-père comme les autres, tout ce qu'il y a de plus normal."

De là à en faire un président normal...

Une fin de campagne
sous haute tension

©JC Guillaume

Au premier tour, Emmanuel Macron a convaincu un petit tiers des Touquettois, contre plus de 50 % en faveur de François Fillon. Un bon score, estime son clan qui sait qu'Emmanuel Macron joue dans une terre très ancrée à droite.
La fulgurante ascension du prodige d’Amiens exilé au Touquet depuis une vingtaine d’années crispe une partie des locaux, les citoyens lambda comme les élus. Ancien militant socialiste déçu, Jacques Guilbert colle des affiches pour Emmanuel Macron dans la région du Touquet depuis le milieu des années 70. Pour le Parti Socialiste pendant plusieurs décennies, pour Macron depuis le 4 avril 2016, dès le premier jour d'En Marche ! donc.

Jacques Guilbert, barbe blanche en bas à droite. Juste derrière Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au Touquet. 

Jacques Guilbert, barbe blanche en bas à droite.
Juste derrière Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au Touquet. 

L'encollage débute aux alentours de 9 heures du matin.©JC Guillaume

L'encollage débute aux alentours de 9 heures du matin.
©JC Guillaume

Cet Etaplois pur jus constate que la tension entre les Le Penistes, les Fillonistes et les militants du candidat d’En Marche est plus que palpable dans cette dernière ligne droite. Témoin, cette affiche pro Macron collée le mercredi en soirée à l’entrée du Touquet, taguée le lendemain à la première heure...

Des petites bourgades perdues dans l’arrière pays boulonnais en passant par le marché du Touquet jusque dans les quartiers pauvres d’Etaples, la cité portuaire et ouvrière du coin, il connaît par coeur qui a voté quoi. "Ici, les gens ont voté pour Marine Le Pen à une large majorité au premier tour, même dans des petits villages où il n’y a jamais eu de problème. A Etaples, elle a cartonné. Au Touquet, c’est Fillon très largement même si Emmanuel Macron a fait un meilleur score que prévu. Entre ces deux villes phares du coin, on a plus voté pour En Marche !"

Une consigne à En Marche ! : "Ne plus coller des affiches seul"

Le front de mer à Stella-Plage : le patelin voisin du Touqueta voté en faveur d'Emmanuel Macron au premier tour.© JC Guillaume

Le front de mer à Stella-Plage : le patelin voisin du Touquet
a voté en faveur d'Emmanuel Macron au premier tour.
© JC Guillaume

Jacques Gilbert et son complice du jour Hervé Lassalle expliquent difficilement les disparités flagrantes entre les petits villages, parfois voisins. Mais constatent tous deux, au gré de leurs collages, que la tension est montée d’un cran. "Au Touquet, c’est une honte ! Nos affiches sont systématiquement décollées. Le vendredi avant-veille du premier tour, ils avaient même peint sur toutes nos affiches. J’ai d’ailleurs porté plainte à la police. La dernière fois que l’on a tracté sur le marché du Touquet, on s’est fait insulter, traiter de voleurs, de pourris. L’agressivité des pro-Fillon est très marquée ici."

Jacques Guilbert colle toute la journée, même dans les villages de moins de cent âmes. © JC Guillaume

Jacques Guilbert colle toute la journée, même dans les villages de moins de cent âmes. © JC Guillaume

A la tête du comité du 4e district Opale-Montreuil, la belle-fille d'Emmanuel Macron Tiphaine Auzière ne dit pas autre chose : “Il y a une vraie violence sur la fin de campagne. Chez nous mais aussi dans le bassin minier. On a le sentiment qu’il y a une sorte d’extrême droite complètement décomplexée. On a des militants qui se prennent des insultes racistes, nous - en tant que femme -, on peut se prendre des insultes sexistes. Ce sont des choses totalement déplacées mais elles nous soudent et nous poussent à nous battre.”

En d’autres lieux, comme sur les hauteurs d’Etaples ou, plus loin dans le bassin minier, le ton monte si rapidement qu’on "a reçu la consigne de ne plus coller seul", conclut Jacques.

"Le maire du Touquet et Emmanuel Macron se connaissent. Mais il ne s’aiment pas."

JC GUILLAUME

Sentiment quasi-identique au club de tennis du Touquet, victime d’une rumeur visiblement lancée par les pro-Fillonistes de la localité. "On a dit que le club avait été fermé pendant trois heures lorsqu’Emmanuel Macron est venu jouer la dernière fois, la veille du premier tour. C’est complètement faux. Il est arrivé et a pris le temps de faire vingt photos et selfies avec tout le monde, les enfants, etc.", tient à préciser son président Benjamin Capelain. C’est aussi à couteaux tirés entre le député-maire du Touquet Daniel Fasquelle - pro-Fillon absolu - et Emmanuel Macron. Le premier est-il jaloux de la nouvelle coqueluche de la cité balnéaire? Il n’attend qu’une seule chose : "connaître le nom du candidat d’En Marche pour les législatives afin de le dézinguer", poursuit Jacques Guilbert.

"Lors d’une visite publique de Macron au Touquet pendant la campagne, Daniel Fasquelle avait rassemblé quelques proches pour siffler son arrivée. On l’a appris alors on est venu en nombre et tout s’est bien passé", embraye Jacques le militant. "Le dimanche du premier tour, dans le bureau de vote, il s’est étonné de voir autant de monde voter pour une personne qui n’avait qu’une résidence secondaire ici. Revenu enfin de journée, on l’a entendu dire : Qu’est-ce qu’on respire mieux... Lui et Macron se connaissent. Mais il ne s’aiment pas, c’est certain."

"Au premier tour, j’ai hésité entre Le Pen et... Macron"

Les derniers sondages, pour les Hauts-de-France, donnent même une parité parfaite entre la candidate Front National et celui d’En Marche ! Tous les habitants du Touquet ne voteront donc pas pour Marine Le Pen, demain dimanche. C’est le cas de Claude Meunier et d’Alain Delplanque. Tous deux ont peu de choses en commun sinon qu’ils aiment parler politique autour d’un verre de vin rouge, se revendiquent de droite et qu’ils voteront pour Emmanuel Macron ce dimanche.
A votre droite : Claude Meunier, né au Touquet en 1938. Un véritable Indien, né ici-resté ici, comme on les appelle dans le coin. Bientôt 80 ans, une mine de très bon vivant carrément sur le retour même s’il en fait dix de moins. Lui même se qualifie de "matériel d’avant-guerre". A six ans, sa "petite copine Simone" a péri sous les bombardements allemands, ici au Touquet, "à deux maisons près c’était sur notre tête". Au premier tour, Claude a hésité en Macron et Le Pen alors qu’au départ, il voulait voter pour... Fillon ! "Mais il a payé sa femme pour ne rien faire avec nos impôts ! Sans l’affaire Pénélope, j’aurais voté Fillon. Au premier tour, j’ai pris les billets de Macron et Le Pen et une fois dans l’isoloir, j’ai joué la carte locale."

"Macron, il est un peu de droite"

A votre gauche : Alain Delplanque, son voisin de table quotidienne votera lui aussi pour Emmanuel Macron dimanche mais pas pour le bien du Touquet. Né en 1942 à Hénin-Beaumont, Alain a vécu plus de quarante ans en face l’hôtel de ville de la cité-laboratoire du Front National gérée depuis peu par le nouveau président du parti Steve Briois. Cet ancien délégué médical pour une grosse société pharmaceutique n’a pas été ému par l’affaire Pénélope et a voté Fillon au premier tour. "J’ai toujours été de droite. Ici, je n’ai pas honte de le dire mais je vote pour mes intérêts. J’ai un peu de biens et je ne veux pas voir partir en fumée par le programme de Marine Le Pen. D’ailleurs, Macron il est un peu de droite..."

"On est tous plutôt de droite que d’extrême droite"

D’après Alain, qui conserve de la famille et des amis à Hénin-Beaumont, le Front National s’occupe de ses administrés correctement, "contrairement à l’époque où tous les élus étaient pourris. A l’époque, j’avais fait campagne contre un candidat socialiste qui voulait me préempter le terrain que j’avais mis en vente. Lors des élections communales, j’ai collé et distribué des affiches contre lui. Il a perdu les élections puis a été condamné. Il a fait de la prison."
"Puis le nouveau maire m’a avoué que la commune n’avait pas les moyens d’acheter le terrain. Avec le FN, les affaires c’est terminé. On aime ou on n’aime pas leur idéologie mais au moins la ville est bien tenue. D’ailleurs, on est tous plutôt de droite que d’extrême droite donc tout le monde s’en fout".
Du coup, Alain Delplanque va voter Macron, comme Claude son pote de bistrot. "Donc, si on résume la situation, que l’on soit d’Hénin-Beaumont ou du Touquet, on est tous les deux gagnants !"
Comme l'ensemble des Français si les sondages de cette dernière semaine de campagne leur donnent raison...