L'état de semi-létargie dont souffre le Touquet en ce moment, Emmanuel Macron n’en a cure, pour l'instant... Lorsqu’il vient au Touquet, c’est pour se reposer. Outre le tennis, celui qui sera élu président ce dimanche va régulièrement manger un bout dans la célèbre Brasserie Les Sports. "Cela fait vingt ans qu’il vient chez nous", commente Gilbert Fauquenbergue, le directeur de cette institution touquettoise depuis quarante ans.
"Je le sers depuis vingt ans. Je ne savais pas qui c’était jusqu’à ce que le patron m’explique qu’il était conseiller du président François Hollande. Il prend toujours la table 10, face au bar. Une petite table de deux protégée par un petit panneau de verre. Il réserve généralement une heure avant son arrivée mais ne réclame jamais si elle est prise."

Macron, au tableau politique de la brasserie Les Sports.
©JC Guillaume
Le candidat d’En Marche ! vient généralement manger un bout le vendredi soir, vers 22 h – 23 h alors qu’il débarque de Paris, toujours avec son épouse Brigitte. "C’est un client sympathique, agréable. Il accepte de faire des photos avec tout le monde. Assez simple en réalité." Il vient à pied (sa maison est à 200 mètres). Ses plats préférés ? "Il adore les crevettes grises à décortiquer ainsi que le tartare de saumon. Souvent, il prend un verre de vin blanc en accompagnement : un Chardonnay ou un Chablis. Emmanuel Macron n’est jamais venu avec ses gardes du corps, même lors de sa dernière visite voici un mois."

Ses petits-enfants l'appellent Daddy. © AFP
Dernier hobby : les balades en famille. "Souvent, il emmène ses petits enfants promener dans les dunes ou sur la plage", commente une commerçante du bord de mer. "Ils l’appellent tous Daddy. Il les prend sur ses épaules, joue avec eux. Rien de bien extraordinaire. Un grand-père comme les autres, tout ce qu'il y a de plus normal."
De là à en faire un président normal...
Au premier tour, Emmanuel Macron a convaincu un petit tiers des Touquettois, contre plus de 50 % en faveur de François Fillon. Un bon score, estime son clan qui sait qu'Emmanuel Macron joue dans une terre très ancrée à droite.
La fulgurante ascension du prodige d’Amiens exilé au Touquet depuis une vingtaine d’années crispe une partie des locaux, les citoyens lambda comme les élus. Ancien militant socialiste déçu, Jacques Guilbert colle des affiches pour Emmanuel Macron dans la région du Touquet depuis le milieu des années 70. Pour le Parti Socialiste pendant plusieurs décennies, pour Macron depuis le 4 avril 2016, dès le premier jour d'En Marche ! donc.

Jacques Guilbert, barbe blanche en bas à droite.
Juste derrière Emmanuel Macron lors de sa dernière visite au Touquet.

L'encollage débute aux alentours de 9 heures du matin.
©JC Guillaume
Cet Etaplois pur jus constate que la tension entre les Le Penistes, les Fillonistes et les militants du candidat d’En Marche est plus que palpable dans cette dernière ligne droite. Témoin, cette affiche pro Macron collée le mercredi en soirée à l’entrée du Touquet, taguée le lendemain à la première heure...
Des petites bourgades perdues dans l’arrière pays boulonnais en passant par le marché du Touquet jusque dans les quartiers pauvres d’Etaples, la cité portuaire et ouvrière du coin, il connaît par coeur qui a voté quoi. "Ici, les gens ont voté pour Marine Le Pen à une large majorité au premier tour, même dans des petits villages où il n’y a jamais eu de problème. A Etaples, elle a cartonné. Au Touquet, c’est Fillon très largement même si Emmanuel Macron a fait un meilleur score que prévu. Entre ces deux villes phares du coin, on a plus voté pour En Marche !"
Une consigne à En Marche ! : "Ne plus coller des affiches seul"

Le front de mer à Stella-Plage : le patelin voisin du Touquet
a voté en faveur d'Emmanuel Macron au premier tour.
© JC Guillaume
Jacques Gilbert et son complice du jour Hervé Lassalle expliquent difficilement les disparités flagrantes entre les petits villages, parfois voisins. Mais constatent tous deux, au gré de leurs collages, que la tension est montée d’un cran. "Au Touquet, c’est une honte ! Nos affiches sont systématiquement décollées. Le vendredi avant-veille du premier tour, ils avaient même peint sur toutes nos affiches. J’ai d’ailleurs porté plainte à la police. La dernière fois que l’on a tracté sur le marché du Touquet, on s’est fait insulter, traiter de voleurs, de pourris. L’agressivité des pro-Fillon est très marquée ici."

Jacques Guilbert colle toute la journée, même dans les villages de moins de cent âmes. © JC Guillaume
A la tête du comité du 4e district Opale-Montreuil, la belle-fille d'Emmanuel Macron Tiphaine Auzière ne dit pas autre chose : “Il y a une vraie violence sur la fin de campagne. Chez nous mais aussi dans le bassin minier. On a le sentiment qu’il y a une sorte d’extrême droite complètement décomplexée. On a des militants qui se prennent des insultes racistes, nous - en tant que femme -, on peut se prendre des insultes sexistes. Ce sont des choses totalement déplacées mais elles nous soudent et nous poussent à nous battre.”
En d’autres lieux, comme sur les hauteurs d’Etaples ou, plus loin dans le bassin minier, le ton monte si rapidement qu’on "a reçu la consigne de ne plus coller seul", conclut Jacques.