Une semaine au coeur de Mons-Hainaut

Plongée dans les coulisses de l'équipe montoise de basket-ball

Un "petit" nouveau au club

9h15. Les joueurs de Mons-Hainaut arrivent à la Mons.Arena de Jemappes les uns après les autres. Sur le parquet, Jason Love (2,06m) s’entraîne déjà individuellement depuis près d’une heure. Le pivot américain doit rapidement s’acclimater à sa nouvelle équipe et à son nouveau club. Arrivé en Belgique moins de 24 heures plus tôt en provenance de Khimik (Ukraine), Love aura pour mission de pallier l’absence de Juvonte Reddic, blessé au genou et forfait pour quatre à six semaines.

"Je suis là pour aider l’équipe en attendant le retour de Juvonte et je donnerai mon maximum pour contribuer aux résultats", affirme Jason Love qui avait déjà porté la vareuse de Mons entre 2013 et 2015.

L’entraînement débute à 9h30 précise par un petit speech en anglais du coach Daniel Goethals. "Comme je vous l’ai dit après le match de mardi, Jason intègre l’équipe à partir d’aujourd’hui", explique-t-il à ses joueurs. "Nous allons essayer de l’accommoder au maximum à nos plans de jeux en travaillant sur des situations de match."

Des semaines surchargées

Après un échauffement avec ballon d’une quinzaine de minutes, place aux exercices de placement offensif puis défensif et à des situations de 5 contre 5. Le but étant d'intégrer Jason Love en vue du match face à Liège prévu dans deux jours.

"Une semaine s’articule généralement autour de deux matchs", détaille Daniel Goethals qui doit jongler entre le championnat, la coupe de Belgique et la coupe d’Europe. "Les journées sont réparties en trois phases. D’abord la préparation au match, avec de la théorie, des plans, de la mise en pratique sur le terrain. Vient ensuite le match en lui-même où il faut avant tout se baser sur le résultat. Ma manière de coacher change. Je coache le match et non les joueurs. La troisième phase est très importante: la récupération et la remise à niveau."

"Le relationnel est très important"

Après 2 heures de séance intensive, les joueurs rentrent aux vestiaires tandis que le coach regagne son bureau personnel. C’est depuis cet endroit que Daniel Goethals organise tous ses entraînements et coordonne son groupe, bien épaulé par son assistant Frank De Meulemeester.

"Le plus dur dans le métier de coach, c’est le management", estime Daniel Goethals qui vient de raccrocher d’une conversation téléphonique avec Juvonte Reddic qui se rend chez un orthopédiste à Anvers. "Le relationnel hors du terrain est très important. Il faut savoir sentir les moments de pression chez un joueur, savoir les laisser souffler et tenir compte du fait qu’ils aient une vie, des enfants et des choses à gérer sur le côté."

L’entraîneur des Renards tient à mener son groupe en bon père de famille. "L’arrière-plan émotionnel est primordial par rapport aux performances sur le terrain donc c’est important d’échanger et d’avoir tout le temps le feeling avec les joueurs."

Le mental d’abord

Pour travailler ces aspects émotionnels si importants, Daniel Goethals fait appel à Ellen Schouppe, une psychologue du sport, plus communément appelée coach mental. "Je l’ai fait intégrer au club en arrivant. Elle vient ici une fois par semaine", détaille Big Dan.

"Nous faisons de temps en temps des ateliers de travail avec le groupe. A côté de ça, elle reçoit les rapports de match de ma part. Je lui dis ce qui a été ou non avec chaque joueur puis elle détermine en fonction de ça le travail individuel à réaliser avec le joueur."

L’un de ses joueurs a même décidé de faire appel à un coach mental personnel. Depuis plus d’un an, Brieuc Lemaire travaille en étroite collaboration avec Geoffrey Mahieu, un Montois d’origine parti vivre le rêve américain en Californie.
"Lorsqu'il est aux Etats-Unis, j'ai toujours un contact quotidien avec lui", explique Brieuc Lemaire. "Avant chaque match, on se téléphone aussi. Et pendant la semaine, je sais que je peux l'appeler à n'importe quelle heure, il me répondra, même la nuit."

"C'est une gestion de tous les jours", ajoute Geoffrey Mahieu, de passage en Belgique pour une quinzaine de jours. "J'ai besoin de savoir ce qu'il pense pour aller de l'espace problème vers l'espace solution. J'utilise notamment l'hypnose, la synergologie ou la programmation neurolinguistique."

"Nous sommes responsables de notre alimentation"

Il est 11h30 lorsque la séance matinale se termine. Après une petite douche revigorante et quelques soins pour certains joueurs, chacun retourne à son domicile pour profiter d’une pause bien méritée. La plupart des joueurs n'ont besoin que de quelques minutes de voiture pour rejoindre leur appartement.

C'est le cas de Xavier-Robert François qui loge dans le centre de Quaregnon, à 3 kilomètres de la Mons.Arena. "Lorsque nous avons deux entraînements sur la journée, cette pause de presque 3 heures permet de se préparer un petit truc à manger, de cuisiner un petit plat", sourit Xavier-Robert François qui profite de ce moment de répit pour joindre sa petite amie basketteuse qui évolue actuellement dans un club au Liban.

Cette saison, Mons-Hainaut ne dispose pas de diététicienne. "Nous sommes responsables de notre alimentation", reprend le pivot belge qui s’est préparé un bol de soupe aux poireaux et des tartines salami-salade à déguster devant un manga. "Le but étant de rester dans les meilleures conditions. Il faut manger sainement sinon ça nous rattrape sur le long terme. Il y a toujours des moments où on mange un peu différemment mais il faut savoir ne pas en abuser. Par exemple, j'emmènerai Tre Demps manger des moules pour lui faire goûter des spécialités belges parce que c’est quelque chose que les joueurs américains n’ont généralement jamais mangé, mais c'est exceptionnel."

Séance jeux vidéo

Le voisin de palier de Xavier-Robert n'est autre que Brieuc Lemaire. Il lui suffit donc d'ouvrir deux portes pour se retrouver dans le salon de son coéquipier. "Ce sont des appartements qui appartiennent au club", précise Brieuc Lemaire. "Je sais par exemple que Niels Marnegrave (NdlR : joueur du Spirou Charleroi) logeait ici du temps où il jouait à Mons."

Les deux joueurs peuvent ainsi se rendre ensemble aux entraînements mais aussi passer des moments de détente en-dehors du sport. Brieuc Lemaire apprécie particulièrement le nouveau jeu vidéo Star Wars. C'est donc tout naturellement qu'il invite son voisin de palier à le rejoindre pour une partie, histoire de décompresser avant de retourner à la salle. Le tout, sous les yeux du chihuaha de Brieuc.

Chris Jones en balade

Les joueurs n'ont parfois qu'une seule séance d'entraînement par jour à assurer. Dans ces cas-là, l'après-midi est synonyme de congé et de temps libre. "Souvent, je fais une sieste puis je vais quand même faire quelques shoots à la salle", raconte Chris Jones. Le meneur américain est arrivé cet été en Belgique. Comme ses compatriotes (il y a six Américains à Mons-Hainaut), son adaptation est plus compliquée. "Je ne sors pas souvent de chez moi en-dehors du basket", explique-t-il.

Chris Jones habite à quelques hectomètres à peine de la Grand-Place de Mons. Mais se balader dans le centre-ville ne fait pas partie de son quotidien. Notre présence était cependant pour lui l'occasion de découvrir le marché de Noël montois en compagnie de sa femme, Justice. "Il ne fait pas très chaud ici", grelotte le joueur originaire du Texas. "D'ailleurs, chez nous on ne trouve des patinoires que dans les centres commerciaux. Pas comme ici en pleine ville. Il n'y a pas non plus des marchés de Noël comme ça aux Etats-Unis."

Retour aux choses sérieuses

Il est 15h30, les joueurs regagnent la Mons.Arena. Quoi de mieux pour se remettre dans le bain qu'un entraînement physique ? Au menu de la séance de l'après-midi: des étirements pour débuter avant de passer aux choses sérieuses: des exercices de gainage des abdominaux et des ateliers de renforcement physique.

"C'est quelque chose de nécessaire", souligne l'ailier Idris Lasisi avec le sourire malgré la douleur. "On fait ça une ou deux fois par semaine, selon qu'on ait joué un match de coupe d'Europe ou pas durant la semaine. Nous avons eu un jour de repos hier donc ça va. Ca fait partie du boulot. C'est bien aussi de faire autre chose que des exercices de ballon. Il faut varier les plaisirs."

Le coach Daniel Goethals donne alors les commandes de son équipe à Gianni Bastianini, le préparateur physique. En salle de musculation, Gianni travaille plus particulièrement avec Jason Love. La nouvelle recrue doit établir un plan personnel avec le préparateur physique. "La séance de musculation est individuelle dans les poids et dans le nombre de répétition", détaille Gianni Bastianini. "C'est pourquoi chaque joueur possède une fiche avec ce qu'il doit faire, selon sa force et son poids. Jason doit pousser la maximum en une seule répétition afin de voir ce dont il est capable au maximum. J'établis son programme personnel en fonction de ça."

"Remis sur pied dans quatre à six semaines"

Pendant ce temps, Juvonte Reddic s'exerce seul sur le côté. L'intérieur américain s'est blessé au genou sept jours plus tôt. Il entame donc sa revalidation et une course contre-la-montre afin de revenir le plus rapidement possible sur les parquets belges.

En début de semaine, Reddic avait effectué un aller-retour jusque Anvers afin d'aller consulter un orthopédiste du sport. Mais l'Américain n'est jamais arrivé à destination... "C'était horrible", témoigne-t-il. "Il neigeait sur les routes et il y avait des bouchons énormes. Au lieu de mettre 1 heure, j'ai mis plus de 3 heures... Je crois qu'à la fin j'étais à 15 minutes du but mais c'était tellement bouché que j'ai fait demi-tour."

Le joueur est finalement retourné voir le médecin le jeudi. "Le rendez-vous s'est bien passé. Il n'a pas parlé d'opération donc c'est déjà une bonne nouvelle. Je devrais être remis sur pied dans quatre à six semaines, selon les médecins. Ce n'est pas si long. Je serai donc bientôt de retour."

Durant cette période, l'Américain partagera son temps entre la salle de musculation et le cabinet du kinésithérapeute du club qui se situe à proximité du centre-ville de Mons.

Des massages et c'est reparti

Les soins et les massages sont utilisés au-delà des blessures. Ils font partie du quotidien des joueurs. Un kiné se met d'ailleurs à la disposition de l'équipe après chaque séance d'entraînement. Certains, comme Justin Cage, en ont besoin quotidiennement. "Après chaque entraînement, je prends 15 minutes de mon temps pour utiliser cette machine qui m'aide à faire passer mes douleurs au genou", explique le capitaine montois qui est aussi le joueur le plus âgé de l'équipe (32 ans). "Je me sens mieux après. Mais je me fais rarement masser par un kiné, contrairement aux autres qui en profitent un peu", sourit-il.

"C'est vrai qu'on aime bien venir voir le kiné", admet Xavier-Robert François. "On rigole bien avec eux, on fait des petites blagues. Ils font partie de l'équipe."

"Être basketteur, c'est aussi ça"

À la veille d'un match important face à Liège, les joueurs ont l'occasion de se détendre un peu. Par exemple en poussant la chansonnette pour une vidéo de Noël qui sera publiée par la FIBA (la fédération internationale de basket-ball). "We wish you a merry christmas", lancent les joueurs avec leur coach en chef de chorale qui n'est certainement pas le dernier à rire. "Être basketteur professionnel, c'est aussi ça. Il faut aussi être présent en dehors du terrain pour faire plaisir aux fans ou bien pour honorer un contrat de sponsoring", dit Daniel Goethals.

C'est le cas ce soir. Trois joueurs (Zaccharie Mortant, Juvonte Reddic et Xavier-Robert François) doivent troquer leurs baskets pour enfiler un tablier de cuisine et la casquette d'une célèbre chaîne de fast food. "J'ai toujours rêvé de faire ça", se marre Zaccharie Mortant qui s'est pris au jeu en allant même jusqu'à cuire les nuggets de poulet en cuisine.

Jour de match

Dans l'intimité du vestiaire

Samedi 16 décembre. Il est 18h30 et tous les joueurs sont présents à deux heures du coup d'envoi. La concentration est déjà de mise. Les Renards accueillent Liège Basket dans une rencontre qui s'annonce très piégeuse. Après un petit pré-échauffement, les joueurs rejoignent le vestiaire, en silence, exactement 45 minutes avant le début de la rencontre.

Daniel Goethals prend la parole.

20h20. L'entre-deux inaugural sera donné dans une dizaine de minutes. Les joueurs patientent dans le couloir avant de faire leur entrée dans une Mons.Arena pleine à craquer. "Numéro 4, Garlon Greeeeen, numéro 5, Chris Jones !", crie le speaker de la salle. Chaque joueur est appelé à faire son entrée dans une ambiance surchauffée.

Dans le public, certaines supportrices sont particulièrement enthousiastes. Mesdames Jones, Tiby et Green donnent de la voix pour encourager leurs maris. "Come on Chris !", lance Justice Jones. "Let's go Mons-Hainaut", chantent-elles en coeur.

Victoire 99-97

Au bout du suspense et des prolongations, les Renards s'imposent de deux petits points. Malgré la victoire, c'est la tête basse que les joueurs rentrent au vestiaire après avoir salué le public. Avec une vingtaine de points d'avance à la mi-match, Justin Cage et ses coéquipiers s'en veulent d'avoir dû batailler de la sorte pour décrocher ce succès.

"Les gars, souriez un peu, vous avez gagné", leur demande Daniel Goethals qui débute ensuite son débriefing à chaud en pointant les faiblesses et les lacunes qu'il faudra travailler dès le lendemain. La route des Montois se poursuit sans répit. Ce mercredi, c'est un très long et périlleux déplacement de coupe d'Europe à Chypre qui attend les protégés du coach Goethals qui rêve de marquer l'histoire du basket-ball belge comme l'a fait son illustre homonyme Raymond avec un autre ballon rond...